Pour limiter les dérives des finances publiques, le Premier ministre, Michel Barnier, a évoqué une éventuelle hausse des impôts. Quelles sont les possibilités qui s’offrent aux pouvoirs publics et avec quel rendement ? Réponses de Philippe Crevel, du Cercle de l'Epargne.
En 2023, le déficit public a atteint 154 milliards d’euros, soit 5,5 % du PIB. Sans correction de la trajectoire en cours, il pourrait s’élever à 5,6 % du PIB en 2024 et se situer autour de 6 % en 2025. Pour limiter cette dérive, le Premier ministre, Michel Barnier, a évoqué une éventuelle hausse des impôts. Quelles sont les possibilités qui s’offrent aux pouvoirs publics et avec quel rendement ?
La hausse de l’impôt sur les sociétés (IS)
En 2024, le taux normal de l'impôt sur les sociétés (IS) est de 25 %. Cet impôt a rapporté 110 milliards d’euros en 2023. Étant donné sa volatilité et sa sensibilité aux changements de taux, un point de pourcentage supplémentaire pourrait générer environ 4 milliards d’euros. Une hausse de 5 points pourrait ainsi rapporter théoriquement 20 milliards d’euros, bien que ce chiffre soit probablement inférieur en réalité.
Création d’une taxe sur les « superprofits »
Le concept de "superprofits" fait référence à des bénéfices exceptionnels, souvent obtenus dans des conditions économiques particulières (comme une crise, une pénurie ou une hausse soudaine des prix) et qui dépassent largement les profits habituels. En France, des discussions ont eu lieu sur la taxation des superprofits, notamment pour les grandes entreprises, en particulier celles opérant dans les secteurs de l’énergie, du numérique et des matières premières. En réalité, il n’existe pas de définition précise des "superprofits". Sont souvent considérés comme superprofits les bénéfices excédant un certain seuil de rentabilité. En visant certaines grandes entreprises œuvrant dans les secteurs de l’énergie et de l'industrie, les bénéfices exceptionnels sont évalués entre 20 et 30 milliards d’euros. La surtaxe pourrait générer 3 milliards d’euros. Le rendement de cette surtaxe est aléatoire car il dépend du contexte économique. Par ailleurs, les entreprises concernées pourraient réduire leurs bénéfices en cas de surtaxe.
La hausse du Prélèvement forfaitaire unique (PFU)
Le prélèvement forfaitaire unique (PFU), également appelé "flat tax", est actuellement fixé à 30 % en France et s'applique aux revenus du capital, tels que les dividendes, les intérêts et les plus-values mobilières. Il se décompose en deux parties : 12,8 % d'impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. Le PFU a généré environ 17 milliards d’euros en 2023. Une hausse de 5 points du PFU pourrait accroître les recettes de 2,8 milliards d’euros.
La hausse des cotisations sociales
En 2023, le montant total des cotisations sociales collectées en France était d'environ 660 milliards d'euros, selon les données de la Sécurité sociale et de l'URSSAF. Cela inclut les cotisations salariales et patronales, versées pour financer les régimes de sécurité sociale (maladie, retraite, allocations familiales, etc.). De manière théorique, un relèvement d’un point des cotisations sociales peut générer un surcroît de recettes de 6 milliards d’euros.
La restauration de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF)
Avant sa suppression, l'ISF rapportait environ 4,5 à 5 milliards d'euros par an à l'État français. Depuis 2018, l’ISF a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). En 2023, l’IFI a atteint environ 1,9 milliard d'euros, en hausse de 6 % par rapport à 2022. Cette progression reflète l'augmentation du nombre de foyers imposables, qui s'élève à près de 176 000, et la progression de la valeur des biens immobiliers. Compte tenu de l’augmentation des valeurs mobilières, une restauration de l’ISF dans une forme similaire à celle d'avant 2018, avec les mêmes seuils et taux d'imposition, pourrait générer un gain annuel de 4,5 à 5 milliards d'euros supplémentaires.
Hausse de 5 points de l’impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés
En France, l'impôt sur le revenu a rapporté environ 113 milliards d'euros en 2023. Les 10 % des ménages les plus riches (décile supérieur) paient environ 70 % des recettes de l'impôt sur le revenu. Cela représente donc environ 79 milliards d'euros. Une augmentation de 5 points pour les 10 % les plus riches rapporterait plus de 3,8 milliards d’euros.
Hausse d’un point de TVA
En 2023, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a rapporté environ 176,3 milliards d'euros à l'État français, selon les données révisées du projet de loi de finances pour 2024. Le taux normal de la TVA en France est de 20 %. Le passage du taux normal de TVA de 20 % à 21 % pourrait générer 8,8 milliards d’euros de recettes supplémentaires, sous réserve que la consommation ne diminue pas en raison de la hausse des prix.
Hausse de la CSG d’un point
En 2023, la Contribution Sociale Généralisée (CSG) a rapporté environ 121 milliards d'euros, ce qui en fait l'une des principales sources de recettes fiscales en France. Une hausse d'un point de la CSG en France pourrait rapporter environ 13,4 milliards d'euros supplémentaires en 2024. Ce chiffre est fondé sur les recettes actuelles et peut varier en fonction des revenus.